Le ministère américain de la Justice cherche à durcir ses politiques en matière de poursuites pénales contre les entreprises
Le 28 octobre 2021, la procureure générale adjointe Lisa Monaco a annoncé trois changements dans l'approche du ministère de la Justice (DOJ) en matière de poursuites pénales contre les entreprises. Mme Monaco a annoncé ces changements lors du discours d'ouverture du National Institute on White Collar Crime de l'American Bar Association et a publié un mémorandumd'accompagnement contenant des directives à l'intention des services du DOJ. Dans l'ensemble, ces changements de politique reflètent la priorité déclarée de l'administration Biden de renforcer les poursuites pénales contre les entreprises. Seul le temps dira si ces changements entraîneront effectivement une évolution significative dans la manière dont le DOJ poursuit les entreprises pour des infractions pénales fédérales, compte tenu du recul général de la répression pénale des entreprises ces dernières années. Les changements annoncés sont les suivants.
Tout d'abord, pour qu'une entreprise puisse bénéficier d'un crédit de coopération, elle doit fournir au ministère de la Justice toutes les informations non confidentielles concernant toutes les personnes impliquées dans les faits reprochés, quel que soit leur degré d'implication, leur statut ou leur ancienneté. Il s'agit d'un retour à la normedu « mémorandum Yates »du DOJ de 2015, qui a été modifiée en 2018 lorsque le DOJ a changésa politique pour permettre aux entreprises de ne divulguer que les informations concernant les personnes « substantiellement impliquées » dans l'infraction afin d'obtenir un crédit de coopération.
Il est important de noter que le mémorandum de Monaco ne précise pas expressément si cette obligation de divulguer toutes les personnes concernées s'applique aux affaires civiles telles que les affaires relevant de la loi sur les fausses déclarations (False Claims Act, FCA). Le mémorandum prétend toutefois « rétablir » le mémorandum Yates, qui s'appliquait expressément aux affaires civiles. Cela soulève la question de savoir si le ministère de la Justice exigera désormais des entreprises qu'elles identifient toutes les personnes impliquées dans une violation de la FCA, même si cela ralentit le déroulement des enquêtes FCA et nécessite des ressources d'enquête disproportionnées par rapport à tout recouvrement potentiel.
Deuxièmement, le ministère de la Justice exigera désormais des procureurs qu'ils prennent en considération l'ensemble des antécédents d'infractions commises par une entreprise, que ces infractions soient similaires ou non à celles actuellement en cause. Les procureurs doivent désormais partir du principe que toutes les fautes professionnelles , y compris celles poursuivies par d'autres divisions du ministère de la Justice, d'autres États et d'autres pays, sont potentiellement pertinentes. Cela pourrait entraîner des sanctions plus sévères pour certaines entreprises, même si l'impact sur les résolutions d'entreprise reste à déterminer.
Troisièmement, le ministère de la Justice reviendra sur sa politique défavorable à la mise en place de contrôleurs indépendants au sein des entreprises. Par le passé, le ministère de la Justice avait donné pour instruction aux procureurs de ne recourir à des contrôleurs qu'à titre exceptionnel dans le cadre des résolutions d'entreprise, en réservant cette mesure aux cas où le ministère de la Justice identifiait un besoin et un avantage évidents justifiant la mise en place d'un contrôleur par rapport à son coût. Le ministère de la Justice est désormais libre d'exiger la mise en place d'un contrôleur indépendant « chaque fois que cela est approprié » afin de convaincre les procureurs qu'une entreprise respecte ses obligations en matière de conformité et de divulgation.
Monaco a également annoncé la création d'un groupe consultatif sur la criminalité d'entreprise (CCAG). Le CCAG sera composé de représentants de toutes les divisions du ministère de la Justice impliquées dans l'application de la loi pénale aux entreprises et aura un « mandat large », notamment pour examiner la sélection des contrôleurs, la récidive et le non-respect des accords de non-poursuite ou des accords de poursuite différée, et fournir des critères de référence pour mesurer la coopération fructueuse d'une entreprise. En outre, le CCAG consultera largement les différentes composantes du DOJ, formulera des recommandations et proposera des révisions de la politique du DOJ afin de faciliter une application plus rigoureuse de la loi et de donner la priorité à la responsabilité individuelle.
Conséquences de ces changements
L'annonce de Monaco s'inscrit dans la continuité d'une série d'engagements pris récemment par l'administration Biden pour renforcer la lutte contre la criminalité d'entreprise. Cette nouvelle priorité, si elle bénéficie des ressources nécessaires et du soutien du ministère de la Justice et des procureurs des bureaux du procureur général des États-Unis, aura des répercussions concrètes :
- Un intérêt soutenu pour les efforts de conformité des entreprises. Comme l'a déclaré M. Monaco, « les entreprises doivent revoir activement leurs programmes de conformité afin de s'assurer qu'elles surveillent et corrigent de manière adéquate les comportements répréhensibles, sinon cela leur coûtera cher à long terme ». La mise en place d'un programme de conformité solide aidera les entreprises à détecter les problèmes plus tôt et à les résoudre plus facilement.
- Il est désormais plus difficile d'obtenir un crédit de coopération, ce qui oblige les entreprises à prendre des décisions difficiles lorsqu'elles sont confrontées à des fautes potentielles. Si une entreprise souhaite obtenir un crédit de coopération, elle doit mener une enquête approfondie sur les faits afin de convaincre le ministère américain de la Justice qu'elle a rempli son obligation d'identifier et de divulguer « toutes » les informations non protégées par le secret professionnel concernant toutes les personnes impliquées.
- L'élargissement du champ d'examen des fautes professionnelles pertinentes par le ministère américain de la Justice (DOJ) présente des risques pour les grandes entreprises, les entités établies de longue date et les sociétés en phase d'acquisition, qui sont toutes plus susceptibles d'avoir un historique plus étendu à examiner. Il sera important pour les défenseurs des entreprises de fournir aux procureurs un contexte plus large de l'histoire de l'entreprise, y compris ses efforts en matière de conformité, afin que les procureurs aient une vision précise de la responsabilité de l'entreprise.
Certaines entreprises pourraient adopter une attitude attentiste face à cette annonce, étant donné que le ministère de la Justice semble réitérer régulièrement des promesses et des avertissements similaires en fonction du procureur général en poste. En revanche, les entreprises qui accordent une grande importance à la conformité utiliseront probablement cette annonce pour renforcer la conformité au sein de leur organisation. Si vous avez des questions sur l'approche que votre entreprise devrait adopter, veuillez contacter l'un des auteurs de cet article ou votre avocat chez Foley.