La Cour suprême redéfinit la notion de « contrainte excessive » dans le cadre des demandes d'aménagements religieux au titre du chapitre VII
Le 29 juin 2023, dans un avis unanime, la Cour suprême des États-Unis a rendu une décision très attenduedans l'affaire Groff c. DeJoy, clarifiant les obligations des employeurs en matière d'aménagements pour les pratiques religieuses des employés. La Cour a réinterprété la signification de « contrainte excessive » et a estimé que le titre VII exigeait qu'un employeur qui refuse un aménagement religieux démontre que la charge liée à l'octroi d'un tel aménagement entraînerait « une augmentation substantielle des coûts liés à la conduite de son activité particulière ».
Ce faisant, la Cour a rejeté une interprétation largement adoptée et favorable aux employeurs dans l'affaire Trans World Airlines, Inc. c. Hardison de 1977, selon laquelle il y a contrainte excessive si l'employeur est simplement tenu de supporter « plus qu'un coût minime ». L'affaire Groff aura de graves conséquences pour les employeurs qui évaluent comment et quand tenir compte des obligations religieuses de leurs employés.
Contexte
En vertu du titre VII, les employeurs sont tenus de s'adapter aux pratiques religieuses d'un employé, à moins que cela n'impose « une contrainte excessive à la conduite des affaires de l'employeur ». Dans l'affaire Groff, un facteur qui refusait de travailler le dimanche en raison de ses pratiques religieuses a poursuivi son employeur (le service postal américain) en justice, alléguant que celui-ci aurait pu s'adapter à son sabbat dominical sans contrainte excessive.
Au départ, le poste de M. Groff n'impliquait généralement pas de travail le dimanche. Cela a changé par la suite, ce qui l'a amené à être muté dans un petit bureau de poste qui n'effectuait pas de livraisons le dimanche. Cependant, lorsque ce petit bureau de poste a également commencé à effectuer des livraisons le dimanche, les livraisons dominicales de M. Groff ont été redistribuées à d'autres employés. Il a fait l'objet de mesures disciplinaires pour ne pas avoir travaillé le dimanche et a finalement démissionné. La Cour d'appel du troisième circuit a confirmé le jugement sommaire rendu par le tribunal de première instance en faveur de l'employeur de Groff et a rejeté l'affaire. En donnant raison à l'employeur, la cour d'appel a estimé que le fait de l'exempter du travail le dimanche entraînait un coût supérieur à un coût minime au sens de l'arrêt Hardison, car cette exemption « imposait une charge à ses collègues, perturbait le lieu de travail et le flux de travail et nuisait au moral des employés ».
La décision Groff marque un tournant dans l'évaluation des demandes d'aménagement religieux au titre du chapitre VII
La Cour suprême a profité de cette affaire pour réexaminer la signification de l'expression « contrainte excessive ». La Cour s'est concentrée sur la signification de « contrainte excessive » dans le langage courant, estimant qu'une « contrainte » est, au minimum, quelque chose de difficile à supporter, et qu'elle devient « excessive » lorsqu'elle atteint un niveau disproportionné ou injustifiable. En conséquence, « lorsque le terme « contrainte excessive » est compris de cette manière, il désigne quelque chose de très différent d'une charge qui est simplement supérieure à un niveau minime, c'est-à-dire quelque chose qui est « très faible ou insignifiant ». En d'autres termes, une contrainte excessive n'est pas un coût insignifiant.
À son tour, la Cour a clarifié les contours de l'affaire Hardison. Elle a refusé de réduire Hardison à la seule ligne de l'avis mentionnant « un coût supérieur au seuil de minimis ». Au contraire, la Cour a souligné les références répétées de Hardison à des coûts « substantiels » et a conclu qu'il y a difficulté excessive lorsqu'une charge est « substantielle dans le contexte global de l'activité d'un employeur ».
En annonçant cette norme plus stricte, la Cour a clairement indiqué que les répercussions d'un accommodement sur les collègues d'un employé ne sont pertinentes pour l'analyse du fardeau excessif que lorsque ces répercussions affectent la conduite des affaires de l'employeur. Par exemple, la simple animosité des collègues à l'égard d'une religion donnée ou leur hostilité à l'idée d'accommoder des pratiques religieuses ne sont pas suffisantes. La Cour a également souligné qu'un employeur a l'obligation d'accommoder raisonnablement les pratiques religieuses d'un employé, et non pas simplement d'évaluer le caractère raisonnable d'un accommodement particulier.
La possibilité d'autres aménagements
La Cour suprême a renvoyé l'affaire devant la juridiction inférieure afin qu'elle applique la nouvelle norme relative à la contrainte excessive. Étant donné que la Cour d'appel du troisième circuit avait appliqué le critère de minimis pour donner raison à l'employeur de M. Groff, la Cour a estimé qu'elle n'avait peut-être pas correctement pris en considération les aménagements possibles, « y compris ceux impliquant le coût des primes d'encouragement ou les coûts administratifs liés à la coordination avec d'autres stations voisines employant un plus grand nombre de salariés ».
Bien que la Cour ait nuancé sa décision en soulignant que la plupart des directives de l'EEOC dans ce domaine ne seraient probablement pas affectées par cet avis, l'affaire Groff modifie néanmoins le paysage en soumettant les employeurs à une norme plus exigeante. La détermination d'une contrainte excessive est un exercice qui dépend fortement des faits et du contexte. Les employeurs qui cherchent à gérer les risques liés aux demandes d'aménagements religieux, ou ceux qui font face à des actions en justice au titre du Titre VII relatives à des aménagements religieux, devraient contacter un avocat pour obtenir des conseils.